Machu Pichu, des origines toujours mystérieuses

Machu Pichu, des origines toujours mystérieuses

Plus d’un siècle après sa découverte par l’explorateur américain Hiram Bingham, Machu Picchu divise toujours les experts sur ses origines.

Machu Picchu © ppc
Machu Picchu © ppc

À 2 400  m d’altitude, Machu Picchu, la « Vieille Cime » en quechua, impressionne. Ce promontoire rocheux, étagé de terrasses agricoles déploie ses ruines sur une zone de 530 mètres de long et 200 de large. Cette llacta (cité) du 15e s. constitue probablement la création urbaine la plus stupéfiante de l’empire inca à son apogée : murailles, terrasses, escaliers, plates-formes et rampes gigantesques épousent les escarpements rocheux. L’ensemble est dominé par un piton aux murailles de granite, le Huayna Picchu, la « jeune Cime »; tellement surréel dans sa bourre de nuages qu’on le croirait chaque matin émulsionné à partir des eaux turbulentes de la rivière Urubamba serpentant cinq cent mètres plus bas.

Machu Picchu © ppc
Machu Picchu © ppc

La cité fut mise au jour il y a juste un siècle. C’est l’explorateur américain Hiram Bingham, de l’université de Yale, qui, en juillet  1911, après des années de recherches, tomba par hasard sur elle. Cent ans après sa découverte, Machu Picchu continue de diviser les experts, incapables de retracer son histoire avec certitude. La majorité des historiens s’accordent à penser que la construction de Machu Picchu remonte à l’époque de l’Inca Pachacútec, entre 1438 et  1450, voir «même durant les dernières décennies de l’Empire, entre 1475 et 1500, et même jusqu’à l’arrivée des Espagnols»  écrit la grande spécialiste Danielle Lavallée. L’architecture de la cité, de style « impérial tardif », accrédite cette thèse. Reste à savoir pourquoi les Incas avaient construit une telle cité dans ce lieu inaccessible.

Machu Picchu © ppc
Machu Picchu © ppc

Était-ce un centre religieux ? Le site comporte nombre d’édifices cérémoniels, dont l’Intihuatana « lieu où le soleil s’attache » et le temple du Soleil. Était-ce une forteresse avancée, destinée à protéger Cuzco des peuples sauvages de l’Antisuyo (l’Amazonie) ? La cité est entourée d’un mur d’enceinte et de douves. Mais ces défenses sont plutôt minimes. Était-ce le dernier refuge des acclas, les «Vierges du Soleil» dévouées à l’empereur ? Certains ont émis cette hypothèse. Sur 173 restes humains, 150 appartiennent en effet au sexe féminin.

Détails
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D’autres archéologues pensent plutôt que Machu Picchu était une cité royaleconstruite pour l’empereur, sa famille et son clan, et pour lesquels travaillait une population servile de mitmas, des paysans déplacés de force sur ces terres. Faut-il y voir la création d’un grand centre agricole destiné à alimenter la capitale ? La capacité agricole du site dépassant largement les besoins de sa population estimée entre 600 et 1 000  habitants. Produisait-il ces feuilles de coca très consommée dans la région andine depuis au moins quatre millénaires ? Quelle que fût la fonction de la cité, il est sûr qu’il s’agissait d’une véritable ville avec ses quartiers : celui des agriculteurs, celui des artisans, le quartier royal et le quartier religieux.

Autre hypothèse, Machu Picchu aurait été un refuge inca farouchement caché aux conquistadors. Selon cette version, Manco Inca, après l’échec de sa rébellion contre les Espagnols à Cuzco en 1436, aurait rejoint les habitants de Machu Picchu pour fuir avec eux dans la jungle de Vilcabamba. Avant de partir, ils auraient dissimulé derrière eux le chemin menant au site pour qu’il demeure introuvable. Mais comment imaginer que les Espagnols aient pu ignorer l’existence de Machu Picchu, alors qu’ils disposaient d’alliés au sein même des tribus autochtones ? S’ils avaient appris l’existence de ce site, ils l’auraient sans doute pillé et détruit, comme les autres. La région qui englobait les vallées avoisinantes était densément peuplée et comptait plusieurs centres administratifs et agricoles, avec lesquels Machu Picchu était en relation. On imagine mal que les conquistadors aient pu délaisser cette région.

Machu Picchu © ppc
Machu Picchu © ppc

Dernière explication, Machu Picchu aurait été oublié des Incas eux-mêmes; la cité abandonnée avant la conquête espagnole, son existence évincée de toute mémoire collective. C’est la thèse aujourd’hui retenue mais sa cause interpelle. Pourquoi ce lieu aurait-il été déserté ? Ses habitants furent-ils victimes d’une épidémie, d’une sécheresse, d’une attaque orchetrée par d’autres groupes autochtones ? Se sont-ils révoltés contre l’autorité royale et ont-ils été déportés sur ordre de l’Inca ? Machu Picchu était-il le domaine personnel de Pachacútec, abandonné après sa mort par ses successeurs ? La cité fut-elle ravagée lors de la guerre civile qui déchira l’empire peu avant l’arrivée des Espagnols ? Le mystère demeure mais suscite toujours la curiosité.

Machu Picchu, touristes © ppc
Machu Picchu, touristes © ppc

Objet d’une pression touristique toujours plus forte, limitée officiellement à 2 500 visiteurs par jour par l’Institut national de la culture (officieusement on parle de 4 à 5 000 visiteurs en haute saison) le site le plus visité du Pérou est menacé de dégradation. Outre l’érosion du sol, le piétinement continu du site sur une terre meuble particulièrement vulnérable pendant la saison des pluies, de nombreux experts redoutent des affaissements de pans montagneux ainsi que des glissements de terrains. Inquiète du développement anarchique d’Agua Calientes, l’inévitable ville étape, sans parler des projets surréalistes pour rendre le site plus accessible (téléphérique, autoroute) l’Unesco a menacé de classer le site sur la liste des patrimoines en péril.

Ce qu’ont refusé les autorités péruviennes gouvernées par la seule boussole « monétique ».  Craignant en effet que cette décision ne traduise un inéluctable manque à gagner. Plus d’un million de visiteurs ont visité le Machu Pichu en 2011; soit une moyenne quotidienne de 2 700 touristes pour un chiffre d’affaires de 50 millions de $… uniquement en billetterie. Les enjeux économiques sont de taille et pas seulement au niveau local puisque 80 % des touristes viennent au Pérou pour visiter d’abord la cité inca.

Philippe Pataud Célérier

Paru dans le Guide Vert, Michelin, 2012

1 commentaire

  • Cisneros
    01/02/2014

    En temps que sud américain j aime et trouve juste ces commentaires

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